Vive la pêche !
Vive la pêche !
Mars 2002,
15 jours après l’ouverture, je guide mon ami Patrice dans les gorges de la Carança dans les Pyrénées-Orientales. C’est une grosse rando qui ne se prépare pas à la légère. A l’entrée des gorges, un panneau signale que cette randonnée est aux risques et périls des randonneurs… L’ayant faite de nombreuses fois, je connais bien le parcours ainsi que les obstacles, passerelles et échelles à franchir tout au long du parcours. Malgré le fait qu’il doit y avoir au moins un mètre de neige au grand lac, la partie basse, la plus difficile, est très praticable. En entrant dans les gorges, on longe tout d’abord le torrent sur quelques centaines de mètres entre deux falaises verticales puis, après avoir passé le pont, c’est la montée en lacets raides. Un bon dénivelé à avaler et nous voici sur le sentier qui longe les gorges à mi-hauteur. Celui-ci devient rapidement exposé au vide car creusé en partie dans la falaise. Une solide main-courante permet de rassurer les plus sensibles au vertige.
Rapidement, la hauteur entre le cours du torrent et le sentier dépasse les cent mètres. Un beau panorama qui se termine par la jonction du chemin et du torrent.
Quelques passerelles et échelles métalliques à passer et c’est ensuite un long faux-plat sur plusieurs kilomètres dans les sous-bois.
Nous commencerons la pêche au niveau du Ras de Carança, non loin du refuge.
Patrice est heureux et me parle du sentiment de liberté qu’il éprouve. De la beauté de cet endroit vraiment magnifique et composé de si différentes facettes au fur et à mesure que l’on prend de l’altitude. Nous arrivons enfin au niveau du refuge et au détour d’un éperon rocheux, nous voici nez-à-nez avec deux pêcheurs. Zut.
Mon compagnon avait une bien mauvaise opinion des pêcheurs au toc et il m’en fit part immédiatement à la vue de deux « tocqueurs » avec une remarque sèche marquant son très fort mécontentement.
« Au milieu de ce paradis ? Des viandards ? Après pratiquement 6 heures de marche ? »
Je vis son visage qui était jusqu’à présent rayonnant, devenir très sombre d’un seul coup.
« Allez Pat ! Viens ! Tu sais, ce ne sont pas forcément les pêcheurs à la mouche les plus respectueux. Et puis de toute manière, il nous faut monter plus haut et leur laisser le torrent jusqu’aux bassettes (petits lacs peu profonds) et ne pouvons faire autrement ».
Pas le choix effectivement car à cet endroit, le chemin borde la zone de cascades et deux grands « gourds » encastrés dans une falaise qui barre la vallée transversalement.
En arrivant à leur niveau, c’est le classique « Bonjour » et la conversation s’entame.
« Du poisson ? »
« Oui ! On se régale. Il fait pas chaud, il neige mais c’est vraiment le panard ! Au moins une trentaine de truites magnifiques avec trois vraiment très belles ».
Mon pote ressemble à une locomotive à vapeur prête à exploser !
Loco du genre dessin animé !
« Tout est reparti à l’eau … on pêche avec des hameçons sans ardillons depuis des années… ».
Patrice n’en revient pas ! Et pendant l’heure qui va suivre alors que nous poursuivons vers l’amont, il va me dire plusieurs fois qu’il se demandait toujours si les deux pêcheurs ne nous avaient pas joué la comédie en nous racontant n’importe quoi.
Je lui répondis qu’à voir sa tête et que si c’était le cas, ça avait bien fonctionné.
Une bien belle rencontre dans ce lieu magique…
Depuis ce jour, Patrice a changé d’avis et ne regarde plus les pêcheurs en faisant une fixation sur leur technique et sur leur matériel. C’est une sage décision.
Par la suite, de nombreuses années de pratique lui ont permis de constater régulièrement qu’une canne à mouche ne voulait pas forcément dire respect du poisson et des autres pêcheurs.
A la pêche comme dans de nombreux domaines, l’amitié, le partage, la tolérance, le respect de la Vie sont des valeurs que nous avons tendance à oublier facilement et c’est bien fâcheux. Personnellement, j’ai tenté de les inculquer à tous mes partenaires de pêche à chaque fois que j’en ai eu l’occasion et je pense avoir contribué un peu à démontrer au « grand public » que la pêche de loisir n’est pas la caricature que certains en font. Parmi les pêcheurs, il y a de très nombreux passionnés qui recherche une communion avec la nature, un moment de paix et de tranquillité, l’amitié ainsi que la connaissance de la vie sauvage et de ses habitants plutôt que d’effectuer des massacres inutiles.
Le temps où les paniers débordaient est révolu. Chaque pêcheur doit devenir responsable pour sauvegarder les miettes.
Un pêcheur responsable sait qu’en effectuant une trop forte prédation sur un milieu aquatique, il risque fort de casser « son jouet » au final. S’il ne le sait pas encore, c’est à chacun d’entre nous de faire passer ce message. Soyons responsables au bord de l’eau. Le pain blanc est bien loin et les attaques permanentes sous forme d’agressions chimiques, bactériologiques et j’en passe qui accablent nos cours d’eau et nos lacs, ne sont pas prêtes de diminuer.
Chaque pêcheur à donc un rôle important à jouer car c’est par le nombre que l’on arrive très souvent à faire changer les hommes et leurs mentalités. Si vous aimez la pêche comme je l’aime, n’hésitez pas également à montrer l’exemple. Ramasser un ou deux morceaux de plastique à chacune de vos sorties pêche. Prendre deux minutes pour « virer » un pneu, un cadre de vélo ou tout autre déchet qui jalonne trop souvent nos cours d’eau. C’est aussi par ce genre d’action que les choses avancent.
Je n’ai jamais été contre le fait de garder du poisson. L’être humain est un prédateur, un chasseur, pêcheur mais ceci doit se pratiquer dans des proportions suffisamment raisonnables pour ne pas épuiser la ressource.
Ce sujet enfonce un peu plus le clou et vous permettra peut-être la prochaine fois d’avoir une réaction différente lorsque vous allez croiser, un autre passionné qui ressent les mêmes joies que vous au bord de l’eau tout en pratiquant une autre technique que la vôtre.
Vive la pêche !
Laisser un commentaire