Saumon des gaves, un espoir ?

La bataille pour la protection des poissons migrateurs de l’Adour se poursuit.

Jeudi 30 mai, environ 400 personnes ont défilé le long du port de Bayonne pour manifester contre la pêche des poissons migrateurs à l’aide de filets dérivants et pratiquée illégalement par les pêcheurs professionnels dans l’estuaire de l’Adour. Cette manifestation était la première du genre et regroupait de nombreux élus béarnais arborant leurs écharpes tricolores, des acteurs du tourisme, des associations de pêche et de protection de l’environnement soutenues par plusieurs Fédérations de pêche des départements : 64, 40, 65 et 32  et par la Fédération Nationale de Pêche en France et le Club Halieutique et bien sûr, de nombreux pêcheurs sportifs.

 

Depuis des années, 17 pêcheurs professionnels bénéficieraient d’une autorisation tacite pour pêcher le saumon à l’entrée du port de Bayonne alors que la pêche dans les ports de commerce est interdite par la loi. Compte-tenu de l’absence de réaction de l’administration, plusieurs associations ont déposé trois recours en justice.

L’entrée du port de Bayonne, zone de pêche interdite.

Trois actions en justice

La SEPANSO 64, la SEPANSO 40 et l’association Salmo Tierra ont déposé plainte contre les pouvoirs publics auprès du tribunal administratif de Pau afin de faire appliquer la loi. L’AAPPMA du gave d’Oloron a porté plainte contre les 17 pécheurs professionnels du port de Bayonne qui y pêchent au filet. L’Association de Défense des Ressources Marines a déposé plainte contre ces mêmes pêcheurs professionnels au sujet des comptages erronés des prises de saumons.

Plus grave encore

Outre le fait que ces pêcheurs proffessionnels déclarent capturer 1200 saumons dans une saison de pêche, il semble que ces comptages soient bien loin de la réalité. Pour preuve le prix du saumon sauvage de l’Adour proposé actuellement à 29,90 euro le kilo sur certains étals de la région.

C’est moins cher que le saumon d’élevage norvégien ou écossais ! Du délire !

Et cela ne s’arrête pas à Salmo salar. A ce jour, il s’est vendu à la criée plus de 11 tonnes d’aloses, elles aussi victimes des filets dérivants. Le plus dramatique, c’est que ces magnifiques poissons vont pour la plupart, terminer leur vie en farine animale…

Avec le braconnage des civelles (les jeunes anguilles), l’avenir des poissons migrateurs est donc bien sombre si ces pratiques continuent. Non seulement c’est un réel danger pour la biodiversité et la pérennité de ces espèces mais c’est également une grosse perte pour le tourisme et l’économie de cette région.

Et à l’étranger ?

Depuis bien des années, des pays comme l’Écosse, la Norvège, la Suède, le Canada et bien d’autres ont compris qu’il était grand temps de faire cesser la pêche professionnelle ou tout du moins de la réguler de manière drastique. Pourquoi ne pas faire de même en France ? Le poids économique fait largement pencher la balance vers la pêche sportive. Les retombées sur une région ou sur un pays sont largement supérieures à celles apportées par quelques marins pêcheurs hors la loi.

Alors que nos politiques s’évertuent à trouver le moyen de créer des emplois, la piste du tourisme pêche n’est t-elle envisageable ? Entretenir les cours d’eau, surveiller et contrôler les pêcheurs et les utilisateurs de la ressource aquatique, tout cela peut sans aucun doute être créateur d’emplois, faudra-t-il tout d’abord un élan politique pour déclencher ce processus.

Des chiffres

A l’heure actuelle, un peu plus de 1400 cartes « timbre migrateurs » sont vendues chaque année dans le Béarn et le Pays basque. L’année passée, entre la station de comptage située sur le gave d’Oloron à Navarrenx et celle du Saison, il a été compté un peu plus de 1200 saumons, 1700 truites de mer et 400 aloses. 292 saumons (dont 27 remis à l’eau), ont été capturé l’année passée par les pêcheurs à la ligne. C’est 4 fois moins que le nombre déclaré officiellement par les pêcheurs professionnels.

Les pêcheurs de loisir ne sont pourtant pas irréprochables. Avec une réglementation autorisant la pêche toute l’année en seconde catégorie piscicole, certains pêcheurs en profitent pour faire des carnages sur la partie aval du gave de Pau. Sur le gave d’Oloron et le Saison, certains trouvent encore le moyen de tricher malgré le baguage obligatoire au bord de l’eau en cas de capture de saumon et le remplissage du carnet de capture avant de se diriger vers son véhicule avec un poisson conservé.

Nul doute que si, par miracle et l’acharnement de certains passionnés, les filets venaient à être bannis de l’estuaire de l’Adour, les pêcheurs à la ligne devraient eux aussi être encore plus limités au niveau du nombre de captures autorisées. Il est bien évident que ces restrictions pourraient faire grincer des dents en particulier pour ceux qui vont encore à la pêche pour amortir leur permis, pour trafiquer en douce et vendre leurs poissons ou tout simplement pour remplir leur congélateur. Mais si l’on veut sauver les poissons migrateurs, il faudra certainement des mesures à la hauteur de l’enjeu.

Pour ma part, je n’ai pas de solution miracle mais en ayant voyagé un peu, j’ai trouvé que la règlementation d’une rivière suédoise que j’ai pu pêcher était facilement applicable et compréhensible de tous. Sur cette rivière où le saumon était en voie de disparition il y a moins d’une décénnie, les autorités ont appliqué des mesures drastiques : Aucun prélèvement avant la mi-juin. Puis, 5 poissons pouvant être conservés par pêcheur jusqu’à la fin de saison. De cette manière, la plupart des poissons qui arrivent de la mer ont la possibilité d’atteindre les zones de frayères tant est si bien qu’aujourd’hui, ce sont des milliers de poissons qui remontent ce cours d’eau. Je ne dis pas que ce soit la solution pour les gaves et les nives mais cela démontre qu’une simplification de la réglementation pêche serait très certainement une bonne chose et que cela pourrait éviter quelques querelles de clochers totalement inutiles.

et après les filets ?

Dans l’immédiat, il est assez facile individuellement de montrer que l’on s’implique personnellement pour protéger les poissons migrateurs. Il est certain que si j’avais eu l’intention de garder, comme la règlementation pêche me l’autorise aujourd’hui, 3 saumons par saison, je n’aurais certainement pas été manifester contre la pêche au filet en estuaire.

Premier séjour sur le gave d’Oloron pour Pierre et son premier saumon béarnais  qui va repartir en direction des frayères car ce pêcheur ne s’est même pas posé la question de garder ou de relâcher sa capture. Pour lui c’était une évidence.

Dans l’immédiat

Il y a 3 trois ans, j’ai décidé de ne garder au maximum qu’un seul saumon par an. Et pour l’instant, ceux que j’ai pu toucher cette année sont toujours dans le gave. Certains vont me dire que je vis dans le monde des bisounours et que de nombreux pêcheurs se moquent totalement de la préservation de l’espèce et du sort de la biodiversité. Je n’ai qu’un mot à dire à ces gens là, profitez-en bien, vous mangez votre pain blanc et à la prochaine manifestation vous serez peut-être la cible à abattre. Et dans le pire des cas, si cette situation perdure, une fois que vous aurez cassé votre jouet en vidant les rivières, il ne vous restera plus qu’à aller jouer à la pétanque en pleurant sur votre sort.

Hervé THOMAS


Merci pour vos précieux partages.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Pin It on Pinterest

Share This