Elle est bonne cette mouche ?
Lorsque j’ai commencé à pêcher à la mouche à la fin des années 70, j’ai eu rapidement l’envie de monter mes propres modèles. Après m’être inspiré de mouches que je voyais dans la Pêche et les poissons ou chez le seul détaillant d’articles de pêche qui en vendait dans ma région, j’ai rapidement décidé de réaliser mes propres artificielles. Si les premiers montages étaient des copies, rapidement, je me suis inspiré des insectes que je pouvais observer pendant les longues heures passées au bord de l’eau.
Après plusieurs années de pêche en tant que Guide de pêche, activité qui m’a permis la pratique quasiment journalière et l’accumulation très rapide de connaissances, j’ai pu déterminer quels modèles étaient efficaces et ceux qui ne l’étaient absolument pas. Je me suis assez vite rendu compte que les modèles très complexes, comportant de très nombreux matériaux, étaient loin de faire la différence et que bien au contraire, la simplicité des montages était l’une des recettes pour réussir. Mieux, certaines mouches, très moches pouvaient même surpasser très largement des montages écoles.
Et à ce propos, j’ai une anecdote que voici.
Les sedges des « Monstres »
Lors des stages de pêche pour les enfants que j’ai organisé pendant des années dans les lacs de montagne des Pyrénées, j’ai pu remarquer que ce n’était pas forcément les montages académiques qui étaient les plus performants.
A cette occasion, et grâce à l’un de mes partenaires, les Mouches De Charette, je disposais de suffisamment d’accessoires et matériaux de montage pour permettre à de nombreux enfants, ou de papas, de découvrir la confection des mouches artificielles durant leurs séjours. Lorsque vous avez une dizaine de gamins qui montent des mouches en même temps, c’est un vrai métier de gérer la troupe car rapidement cela peut partir en « live » comme on le dit aujourd’hui. Avec un peu de pratique, j’ai rapidement compris qu’il ne fallait surtout pas compliquer les choses et pour essayer d’atteindre le but final qui était pour ces enfants de pouvoir prendre un poisson avec l’une de leurs mouches. Il fallait donc choisir un montage spécifique, simple à réaliser et efficace. J’ai très rapidement opté pour le montage en chevreuil d’un trichoptère, le mini-muddler.
Un mini-muddler avec un corps en dubbing de lièvre
Un ami chasseur me fournissait ce matériau en grande quantité ce qui limitait le gaspillage. Il suffisait ensuite d’avoir plusieurs étaux, des porte-bobines garnies de fil noir et de paires de ciseaux pour permettre à chaque « monstre » de se lancer dans le montage. Ce dernier n’était pas compliqué. Quelques tours de fil noir sur l’hameçon puis, fixation des poils de chevreuil et réalisation du nœud final. Malgré sa simplicité « enfantine », ce montage est pourtant assez difficile à réaliser si l’on veut que chaque modèle soit absolument identique au précédent. Il demande du doigté et de la précision. Le blocage des poils de cervidés sur l’hameçon est peu évident pour un novice qui se retrouve souvent avec une mouche qui perd ses poils ou qui n’arrive pas à bien les bloquer sur la hampe de l’hameçon. Il est également délicat de laisser les poils bien alignés durant la réalisation de la mouche. Au final, les sedges des gosses ressemblaient plus à des papillons qu’à des trichoptères. Les poils étaient bloqués de manière complètement désordonnée, mal coupés et dans tous les sens. L’hameçon numéro 14 servant de base était soit, pratiquement dénudé avec plus de fil de montage que de poils de cervidés ou alors, complètement noyé dans ce chevreuil éparpillé et ébouriffé.
Au final, avec les mêmes matériaux, les enfant obtenaient plusieurs variantes qu’ils nouaient ensuite sur leurs bas de ligne avant de les lancer sur les eaux cristallines des lacs de montagne. Accrochés à un bon 16 centièmes, ces mouches ont pourtant fait merveille. Ceci dans un premier temps, à mon grand étonnement puis, à ma grande satisfaction en voyant les sourires radieux de mes apprentis pêcheurs s’émerveillant devant leurs captures. Quel bonheur !
En dehors de cette joie immense qui est celle de faire partager ses passions de la nature, de la montagne et de la pêche à la mouche à ces enfants, quelle expérience et quelle constatation. Moi qui cherche toujours à fignoler mes montages, à faire en sorte que chaque mouche soit parfaitement identique à celle que je viens de faire en série, ces modèles « punk » m’ont fait revoir un peu ma conception, tout du moins pour certains montages.
Ceci n’amène à parler des commentaires que je peux lire sur les réseaux sociaux à propos de montages de débutants soumis à l’approbation d’autres pêcheurs. Pauvre novice qui expose sa réalisation et qui subit parfois les foudres de ceux qui commentent. Trop long, trop court, trop fourni, pas assez, trop typé, trop laid …
A l’inverse, les débutants qui s’extasient devant tel ou tel modèle, certes, parfaitement réalisé, bien proportionné mais qui au final, sur l’eau, ne vaudra pas un pet de lapin. Car, une bonne mouche est avant tout un modèle ayant fait ses preuves. Comme j’ai plaisir à le répéter depuis longtemps, il y a des mouches de pêche et des mouches pour attraper les pêcheurs et ce ne sont pas forcément les mêmes !
Bien sûr, il y a des standards à respecter. Mais qui dit qu’il ne faut pas chercher à s’en éloigner ou que cela est interdit. C’est en essayer d’innover que l’on progresse techniquement et l’efficacité d’une mouche artificielle originale ne se fait pas sur des commentaires validés mais bien lorsqu’elle est sur l’eau. Les yeux des pêcheurs, c’est une chose, ceux des poissons, c’en est une autre. Alors avant de persuader que l’on détient la vérité, il est prudent d’en valider la véracité…
Conseils aux apprentis monteurs
Pour ceux qui débutent dans le montage de mouches, voici quelques conseils. Essayez de vous inspirer de modèles de base et simples à réaliser. La red tag, un palmer, une oreille de lièvre, un sedge en chevreuil ou une araignée simple pour les mouches de surface. Ces modèles ont pris des milliers de poissons et en prendrons des milliers d’autres.
Le Palmer, un modèle toujours d’actualité
Une fois votre dextérité améliorée, n’hésitez pas à laisser aller votre imagination mais souvenez-vous toujours d’une chose, l’observation est la règle d’or, aussi bien dans le montage qu’avant et pendant l’action de pêche.
Quant à moi, je retourne à mon étau pour faire une ou deux oreilles de lièvre…
Hervé THOMAS
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« Je ne connais aucun livre qui aborde de façon aussi complète cette discipline au point que j’ai le sentiment que tu as réussi à faire un condensé de tous les livres que je possède actuellement. En gros je peux libérer un bon mètre de rayonnage de ma bibliothèque et y mettre uniquement tes deux livres.
Si je devais conseiller un pêcheur débutant à la mouche comme cela m’arrive assez régulièrement, sans aucun doute je lui recommanderais tes deux ouvrages. »
Marcello Pettineo
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