Béni des dieux, un week-end pêche à la mouche sur la Loue à la Piquette
« Ah Hervé, ce week-end pêche à la mouche sur la Loue, à « La Piquette », c’était merveilleux, fantastique, extraordinaire ! Je n’aurais jamais pensé que cela pourrais m’arriver un jour. »
C’est ainsi que commence le récit de Monsieur F, homme d’affaire Clermontois, ayant peu de temps mais un peu d’argent à consacrer à sa nouvelle passion, la pêche à la mouche.
Nous somme en mai, dans le milieu des années 90 et Monsieur F décide de réserver un week-end prolongé à « La Piquette ». Pêcheur à la mouche néophyte mais ayant appris les bases au Lac de la Landie, il me demanda quelques temps auparavant de lui faire une sélection de mouches artificielles afin qu’il puisse répondre à différentes situations sur le Lac de la Landie mais également lors de futurs séjours de pêche en rivière.
Dès son arrivée au lodge de La Piquette, il fut impressionné de se retrouver au beau milieu de grands noms de la pêche à la mouche. Deux « pointures » locales et nationales étaient là, accompagnées d’autres fines cannes et de journalistes halieutiques. Du beau monde ! La Piquette affichait complet.
Pour Monsieur F, l’heure est au coup du soir. Une de ses premières sorties pêche en rivière. Deux groupes se sont formés mais il se retrouve seul. Quatre pêcheurs se dirigent vers l’amont tandis que les autres partent vers l’aval. On lui a précautionneusement recommandé de pêcher « Là ». « C’est bien ! » Il se rend sur place et prend position dans l’eau à mi-cuisse.
La journée a été chaude sans excès et sans vent. L’air est doux, la rivière « parfaite ». C’est tout du moins ce qu’on dit les convives pendant le repas de midi. La lumière baisse doucement en ce mois de juin. Monsieur F décide d’attacher une grosse mouche à son bas de ligne, un sedge en poils de cervidé car il a vu un trichoptère qui volait dans l’après-midi devant sa chambre. Le principal avantage qu’il trouve à cette artificielle est qu’elle est parfaitement visible à la surface de l’eau. Tout semble calme mais après seulement quelques dérives, un gobage bruyant noie sa mouche. Ferrage instantané et un combat homérique s’engage avec ce poisson qui frise les 45 centimètres de long. En glissant cette splendide truite fario zébrée dans son épuisette, il admire la robe de ce magnifique animal tout en se disant qu’il a du mal à y croire.
Monsieur F est aux anges ! Sa plus grosse truite fario et une zébrée Comtoise de surcroit !
Un instant pour décrocher et relâcher délicatement la bête et la pêche recommence. La deuxième, la troisième, la quatrième, la cinquième et la sixième truite vont s’enchainer et suivre les pas de la première. Toutes mises à l’épuisette et relâchées. Vous imaginez l’état dans lequel se trouve alors notre pêcheur.
Monsieur F décide de s’avancer un peu plus dans ce grand plat en amont. Il lance sa mouche dans une veine d’eau profonde. Le gobage intervient instantanément. Mais les choses ne se passent pas comme prévu car le poisson est d’un calibre nettement supérieur à celui des précédentes captures du jour. C’est la casse ! Brutale. Monsieur F en reste pantois. Il n’a pas eu assez de temps pour réagir.
Il ouvre sa boite et constate qu’il ne lui reste que deux imitations identiques. Allez ! On change de pointe. 20 centièmes. Et CLAC ! Nouvelle casse. Bon D…, mais il y a quoi là dedans se dit Monsieur F. Pas question de perdre la dernière mouche et le nylon de 26 centièmes remplace le 20 centièmes en pointe.
Une excellente initiative qui va lui permettre de capturer plus d’une dizaine de belles farios Comtoises avant la nuit avec une artificielle ayant perdu plus de la moitié de ses poils. Au moins 4 poissons supérieurs à 45 centimètres et deux casses mémorables, c’est un résultat énorme, inespéré. Il est inutile de vous dire que Monsieur F est sur un nuage et qu’il aura bien du mal à en redescendre.
La pêche terminée, pendant la marche de retour, il savoure les instants fantastiques qu’il vient de vivre et l’ambiance qui l’entoure à présent. Autour de lui, la nature a fait silence pour un instant. Pas un nuage dans le ciel étoilé. Il ressent une quiétude absolue. Son esprit est paisible et il se réjouit encore de cette bénédiction halieutique qui vient de lui être accordée.
Durant la soirée, il écoutera les autres pêcheurs commenter un mauvais coup du soir avec des poissons difficiles et tatillons. Il dira que sa sortie de débutant était bien sans ajouter plus de détails. On acquiescera en lui disant que c’était ça, la pêche à la mouche. Pas facile tous les jours.
Quelques mois plus tard, en me racontant cette anecdote restée secrète depuis lors, il me vante les mérites de cette miraculeuse artificielle qui l’a transporté au huitième ciel, oui ! Un de plus. Un véritable cadeau des dieux et de l’ordre de l’inimaginable seulement quelques heures auparavant.
Si je vous raconte aujourd’hui cette histoire vécue, ce n’est pas pour vanter mes mérites de monteur. Ceux qui me connaissent savent bien que ce n’est pas vraiment mon genre. C’est plutôt pour affirmer que certaines mouches artificielles, employées au bon moment, peuvent vous conduire au Nirvana même si vous pensez n’être qu’un pêcheur modeste techniquement.
C’est certainement une excellente raison pour choisir avec précision la mouche que l’on va employer. Je vous rassure, le hasard fait parfois bien les choses mais l’observation fait tout !
Le sedge en chevreuil du week-end pêche à la mouche sur la Loue.
Voici donc ce fameux modèle. C’est une mouche sèche qui pêche parfaitement bien lorsqu’elle bien graissée. Si la mouche n’est pas malmenée pendant les arrachés et les récupérations de ligne, elle flotte relativement haute sur l’eau. Mais, son poids important et sa faculté à s’imbiber rapidement ont tendance à la noyer dans la pellicule de surface assez rapidement. Néanmoins, mis à part une visibilité plus réduite, son efficacité reste également remarquable dans cette position.
C’est un montage simple qui demande seulement trois matériaux.
1 grand hackle roux. 1 dubbing vert torsadé sur fil cuivre. Une pincée de poils de chevreuil et le fil de montage évidemment qui en l’occurrence est du 6/0 noir.
En partant du milieu de la hampe, enroulez votre fil de montage jusqu’à la courbure de votre hameçon n°12.
Avant de la fixer, préparez votre plume comme sur la photo ci-dessus. Après blocage du hackle roux assez grand et fixé à quelques millimètres de sa pointe en fin de hampe, bloquez au même endroit la mèche de dubbing brush.
Après avoir ramené votre fil de montage vers l’avant, tournez le dubbing sur les trois quarts arrière de la hampe et bloquez-le.
Coupez le surplus de dubbing et enroulez le hackle sur 6 ou 7 spires non jointives.
Vous pouvez éventuellement faire un ou deux tours supplémentaires à l’approche de l’œillet. Pensez à laisser un peu de place pour poser vos poils de cervidé. Réalisez un nœud de blocage et coupez l’excédent de plume.
Réaliser la tête
Prélevez une pincée de poils de chevreuil et fixez-la au dessus et à environ deux millimètres en arrière de l’œillet en les serrant fortement. Attention de ne pas casser votre fil de montage.
Remarque : Une coupe et une présentation parfaite des poils au moment du serrage permettent un montage plus précis.
Après avoir réalisé un nœud de finition et coupé votre fil de montage, ajoutez un petit point de colle cyanoacrylate après avoir retaillé la tête de votre artificielle.
La colle doit être déposée sous la tête et à deux millimètres derrière l’œillet. Il faudra donc retourner votre artificielle pour effectuer correctement ce collage. Une dernière chose, la meilleure colle cyanoacrylate est conditionnée en tube vert et il est assez difficile de la trouver. Néanmoins, sa fluidité permet des collages en profondeur et « increvables ».
Le montage est terminé. L’œillet doit être parfaitement dégagé.
L’association du dubbing vert torsadé sur fil cuivre (le coloris exact des fibres composant le dubbing est insect green) et le hackle roux donne des teintes variées et subtiles au corps. Un duo parfois magique… comme vous avez pu le lire. Si cette mouche fonctionne en rivière, elle a permis à de nombreux pêcheurs venus pêcher le Lac de la Landie, de réussir de belles parties ponctuées trop souvent de casses retentissantes en surface.
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