Impact du vairon dans les lacs de montagne des Pyrénées

Impact du vairon dans les lacs des Pyrénées

Après la publication d’une vidéo montrant le frai des vairons dans un lac de montagne des Pyrénées-Orientales et en lisant les commentaires parfois étonants qui ont suivi, j’ai voulu en savoir un peu plus sur le sujet. Si mon expérience et mes observations personnelles m’amène à en tirer une conclusion, il m’a paru important d’en vérifier la véracité en m’appuyant sur des études scientifiques.

État des lieux

Depuis l’âge de 14 ans, j’en ai bientôt 58, je fréquente très régulièrement les lacs d’altitude des Pyrénées. J’ai toujours connu la présence du vairon (Phoxinus phoxinus) dans certains lacs, leur population variant sensiblement d’une année sur l’autre.

Un vairon mâle paré de sa robe nuptiale très colorée

Si dans certains plans d’eau, ces petits poissons sont très nombreux, ils sont absents dans d’autres systèmes lacustres. Tout comme l’ensemble des salmonidés, cette espèce a été introduite par l’homme dans les milieux aquatiques alpins. Si les truites et les ombles ont été implantés de manière volontaire, l’introduction des vairons s’est faite par les pêcheurs. En effet, il y a quelques décennies, la pêche au vif ou au vairon mort était autorisée dans les lacs de montagne. Pour éviter de tuer ou de ramener les vairons non utilisés pendant la pêche, certains pêcheurs voulant les épargner, les libéraient avant de redescendre dans la vallée. Trouvant un milieu propice à leur développement, ces poissons ont rapidement colonisé la zone littorale des lacs. Si dans la majeure partie des plans d’eau d’altitude leur présence est régulée par les salmonidés, ils prolifèrent dans un ou deux lacs.

Ce pullulement amène certains pêcheurs à conclure que c’est la conséquence directe de la disparition de la truite sur ces plans d’eau.

Qu’en est-il exactement ?

À ce jour, aucune étude n’apporte la preuve d’un impact avéré des vairons sur les populations de truites. L’affirmation que ces poissons consomment les œufs ou les alevins de truites n’est pas validée scientifiquement. Personnellement, j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de me rendre sur les lacs au mois de novembre, période à laquelle les truites fario se reproduisent. Je n’ai jamais vu de vairons sur les zones de frayères. Lorsque l’on voit l’agressivité des truites sur ces secteurs vis à vis de leurs congénères, il est assez facile d’imaginer le destin funeste que pourraient avoir un ou plusieurs vairons venant marauder sur cette zone. De plus, en observant la taille de la gueule d’un vairon et celle d’un œuf de truite, on se rend compte qu’il sera bien difficile au premier d’ingurgiter le second et qui plus est lorsque celui-ci est enfoui sous un banc de graviers.

Impact du vairon sur le milieu aquatique

Par contre, la présence du vairon dans les lacs de montagne n’a pas forcément que du bon et ceci pour plusieurs raisons. Malgré sa petite taille, ce poisson a un impact sur le réseau trophique*. Consommateur de plancton et d’invertébrés, le vairon fait concurrence aux autres poissons comme les salmonidés et plus particulièrement à leurs juvéniles qui grandissent la plupart du temps sur les mêmes lieux et plus exactement la zone littorale des lacs.

Une étude espagnole démontre également que ce poisson a un impact sur les herbiers aquatiques. En remuant le fond, le vairon contribue à accroître la quantité de nutriments ce qui a pour conséquence la croissance importante des algues et des cyanobactéries qui, par leur développement, génèrent un déséquilibre et donc une perte de transparence de l’eau. L’augmentation de la turbidité de l’eau limite donc la croissance des plantes aquatiques qui prennent une part importante dans la préservation de la qualité de l’eau et celle des sédiments. On peut donc dire qu’une prolifération des vairons contribue à l’eutrophisation de certains lacs.

 

Néanmoins, il faut tout de même relativiser ce phénomène qui est sans aucun doute bien moins néfaste que l’augmentation de la température moyenne annuelle de l’eau, conséquence directe du réchauffement climatique actuel. Dans les systèmes aquatiques où les salmonidés sont bien représentés, les bancs de vairons sont nettement moins importants. Chassés par les truites ou les ombles, de fontaine (Salvelinus fontinalis) ou chevalier (Salvelinus alpinus), leur régulation est visible.

Au contraire, dans les lacs où les populations salmonicoles sont en chute libre, l’expansion des vairons prend des proportions inquiétantes. Le lac d’Aude, dans les Pyrénées-Orientales, en est le triste témoin. Il faut dire que ce lac facilement accessible est soumis à une pression de pêche importante. Sans prédateurs en nombre suffisant, les populations de vairons explosent avec toutes les conséquences qui en découlent et explicitées ci-dessus. Ceci peut très certainement nous amener à réfléchir, nous les pêcheurs, sur nos comportements de prédation. Prélever des truites, oui mais tout en restant raisonnables. Quoi qu’il en soit, il sera bien difficile d’éliminer Phoxinus phoxinus des lacs de montagne des Pyrénées.

En jouant de manière involontaire avec la nature par le biais d’introduction d’espèces exogènes, les pêcheurs ont contribué à la désorganisation du réseau trophique*. C’était déjà le cas pour les salmonidés dont la présence dans les lacs d’altitude est actuellement remise en question des deux côtés de la chaîne pyrénéenne mais ceci est un autre sujet…

Hervé THOMAS

fildepeche.fr

*Réseau trophique

Un réseau trophique est un ensemble de chaînes alimentaires reliées entre elles au sein d’un écosystème et par lesquelles l’énergie et la biomasse circulent. Le terme trophique se rapporte à tout ce qui est relatif à la nutrition d’un tissu vivant ou d’un organe. Wikipédia

fildepeche.fr

PS : Je remercie Monsieur Olivier BAUDRIER, Directeur de la Fédération de pêche et de protection des milieux aquatiques des Pyrénées-Orientales pour les renseignements qu’il a bien voulu me fournir sur ce sujet.

Vous pouvez revoir la vidéo sur notre page Facebook en suivant ce lien 

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