Haute tension et poissons migrateurs

Certains poissons migrateurs semblent attiré par les lignes à haute tension. Qu’en est-il exactement ?

Une étude récente menée par des scientifiques de l’Université de Munich, dirigés par le géophysicien Michael Winklhofer, a permis de localiser et d’identifier « un compas interne » dans la muqueuse olfactive de la truite arc en ciel. Ces cellules dénommées magnétosensibles  se révèlent être beaucoup plus sensibles aux champs magnétiques que ce que l’on aurait pu penser jusqu’à présent.

Ces cellules, par le biais d’inclusions de taille micrométrique et composées de cristaux magnétiques, probablement en magnétite, détectent les champs. Ces inclusions sont couplées à la membrane cellulaire et modifient le potentiel électrique de cette dernière lorsque les cristaux changent d’axe au contact de la variation du champ magnétique ambiant.

Michael Winklhofer et son équipe confirment donc que les champs magnétiques de basse fréquence, générés par les lignes électriques, perturbent la navigation par rapport au champ géomagnétique et peuvent également induire d’autres effets physiologiques.

Une autre étude scientifique (1) menée sur le saumon sockeye a démontré la présence de chaînes de magnétite chez cette espèce.

Ces électro-récepteurs se trouvent soit dans la région céphalique, soit sur la ligne latérale et sont fonctionnellement associés aux comportements sociaux et à la prédation.

La haute tension et les migrateurs

À l’inverse d’un électro-aimant, qui produit un courant électrique grâce au magnétisme, les lignes à haute tension produisent un champ magnétique de très basse fréquence (50 Hz). C’est sans doute l’une des explications du phénomène suivant. Pendant leur montaison, certains poissons migrateurs semblent stationner sous les lignes à haute tension.

 Il y a quelques années, en parlant avec un pêcheur autrichien passionné par le huchon, celui-ci m’avait rapporté que l’un des meilleurs postes sur la rivière était situé sous une ligne à très haute tension. Chaque année, il y voyait et y capturait des poissons en période de montaison qui semblaient « apprécier » cette zone. L’année passée, lors d’un séjour au bord du Gave d’Oloron, un autre pêcheur m’a rapporté la même chose. Les pools situés sous les lignes électriques à fort voltage étaient relativement productifs en termes de captures.

Comme de nombreux migrateurs, les poissons utilisent parfois les champs géomagnétiques pour se diriger au cours de leur migration. Cette étude semble démontrer qu’un changement du champ magnétique ambiant détectable par certains poissons aurait donc pour conséquence une perturbation de leur orientation. Il me parait plausible que cette barrière surnaturelle causée par l’homme fasse douter, tout du moins pour un certain laps de temps, certains individus sur le chemin qu’ils auraient à emprunter pour atteindre leurs zones de reproduction situées plus en amont du cours d’eau où ils cheminent.

Au regard de ces différentes études, l’idée que les poissons soient attirés par le courant électrique me parait donc peu concevable. Par contre, elles laissent sérieusement penser qu’un changement du champ magnétique ambiant soit la cause d’une perturbation de leur sens d’orientation même si pour le moment, aucune étude scientifique ne vient démontrer cette théorie en ce qui concerne le saumon Atlantique, le huchon et les autres poissons migrateurs.

Hervé Thomas

fildepeche.fr

Références :

  • (1) – Walker MM et al., « Structure and function of the vertebrate magnetic sense », Nature, 1997, 390 :371-376.

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