Apocalypse programmée 

Apocalypse programmée

Chaque jour qui passe et dans un silence absolu, les rivières, ruisseaux et lacs subissent de plein fouet la pénurie d’eau. Par centaines de milliers, insectes, batraciens, mollusques, crustacés et poissons d’eau douce agonisent et meurent malgré l’énergie du désespoir de quelques passionnés qui tentent d’en sauver quelques uns. C’est un massacre à l’amplitude de plus en plus forte et auquel il faudra hélas s’attendre à constater chaque année.

Des signes prémonitoires il y a 20 ans déjà

J’ai commencé à vraiment prendre conscience du désastre écologique qui se préparait il y a environ une quinzaine d’années lorsque l’un de mes amis m’a mis en main un rapport d’experts annonçant le drame mondial qui avait déjà commencé.

À cette époque, j’avais remarqué que des changements s’étaient déjà produits dans les rivières que j’avais pêché dans ma jeunesse. Les secteurs où je pouvais capturer des barbeaux truités (Barbeaux méridionaux), des chevesnes, des goujons et les rares truites fario que j’arrivais à apercevoir étaient maintenant le royaume des perches communes et des gardons. Des espèces nouvelles, introduites par la main de l’homme mais trouvant ici des conditions optimales pour s’y développer et prendre le dessus sur les espèces autochtones. Il faut dire qu’un réchauffement annuel moyen de la température de l’eau consécutif à l’implantation de barrages, de canaux d’irrigation et de la réduction des précipitations pluviométriques n’a pas été vraiment bénéfique pour les poissons indigènes.

Ces changements, même s’ils étaient déjà conséquents, n’étaient pas encore à considérer vraiment comme dramatiques. Depuis les choses ont changé. Le phénomène s’est amplifié et de plus en plus de personnes constatent les modifications qui s’opèrent chaque jour avec les impacts très néfastes que cela peut avoir sur les milieux aquatiques. Malheureusement, ce n’est qu’un début et le pire est à venir.

Le réchauffement climatique, une réalité

Aujourd’hui, celui qui prétend que le changement climatique est simplement la conséquence d’un cycle naturel est aveugle ou idiot. Si je veux bien croire que nous pouvons entrer dans un nouveau cycle climatique naturel qui contribue à lui seul à perturber le climat, il est incontestable que l’activité humaine et les nombreuses pollutions qu’elle engendre, ont un impact indéniable sur la hausse annuelle des températures. Bien évidemment, le cumul du facteur naturel et celui causé par l’homme implique une accélération du réchauffement planétaire. Pourtant, malgré la gravité et l’impact de certains événements, ce ne sont encore que des prémices que nous subissons aujourd’hui.

Les choses vont bientôt s’accélérer car par effet « domino », les perturbations en tous genres vont s’amplifier, aussi bien en nombre qu’en intensité. Et le pire, c’est que l’échelle d’intensité n’est pas proportionnelle mais exponentielle. Le nombre d’humains ne cessant de croître et les lobbys, profitant toujours pour s’enrichir et détruire encore plus en toute impunité avec parfois même avec l’assentiment d’états, ne risquent pas d’améliorer la situation. Il est évident que la pollution mondiale dans son ensemble ainsi que l’impact de notre civilisation sur notre planète sont en très forte hausse alors que dans le même temps, les ressources et la biodiversité diminuent à vue d’œil.

Le document scientifique que j’avais pu lire il y a 15 ans annonçait de graves perturbations climatiques. Certaines enclenchant une multitude de de phénomènes aux conséquences désastreuses. De grands feux de forêt, des orages violents accompagnés de pluies torrentielles et une sécheresse de plus en plus intense sur une grande partie du globe. Dans le même temps, une utilisation de la ressource en eau douce non contrôlée et même abusive aggravant la situation, phénomène que l’on peut déjà constater aujourd’hui. Alors que des départements sont en restriction totale d’utilisation de l’eau, des canons à eau arrosent allègrement les maïs. Je ne blâme pas les agriculteurs pris au piège d’un système financier et d’un modèle agricole dépassés. Je ne fais que constater les faits. Même en cas de pénurie grave, on pille la ressource en ayant une vision à court terme tout en étant entrainé dans une spirale infernale.

Mais au final, quel poids peut avoir quelques rivières et poissons qui se meurent lentement mais sûrement face aux géants de l’agroalimentaire et à leurs profits ? Quelle chance de survie ont ces mêmes milieux aquatiques face aux nombre toujours plus important d’atteintes en tous genres dont ils font l’objet ? Quel espoir nous reste-t-il de sauver ces cours d’eau et ces lacs des incivilités constantes que l’on peut y voir chaque jour ? Malgré mon désir toujours vif de convaincre qu’il est vraiment temps de changer tout cela, je suis au fond de moi-même bien pessimiste.

Complice d’un désastre annoncé

Bien pessimiste en effet car rien ou peu de choses ne changent. Même si une partie des jeunes générations à l’air motivée et décidée à changer radicalement de cap, la plus grande majorité est attentiste ou complice du désastre annoncé. Lorsque l’on aborde le sujet , la rengaine est similaire à celle que j’ai trop longtemps entendue au bord de l’eau quand il s’agissait d’être responsable en matière de conservation du nombre de captures. On incrimine le voisin sans regarder les méfaits que l’on commet soit même. Pourtant, chaque jour qui passe nous rapproche inéluctablement de l’apocalypse car oui, c’est comme cela qu’il faut nommer notre futur si des décisions fortes et radicales ne sont très rapidement décidées avec une mise en place immédiate de mesures de restriction.

Dans les années à venir, la fonte des calottes polaires et du permafrost vont s’intensifier, les glaciers vont disparaître peu à peu, les océans et les mers vont se réchauffer. Les conséquences directes vont être la montée du niveau des eaux, le ralentissement des grands courants océaniques à cause de la baisse de salinité des eaux, phénomènes impactants encore plus le climat mondial en augmentant davantage les perturbations climatiques en tous genres ainsi que leur puissance.

Nous n’en sommes pas encore là mais à la vue des nombreux cours d’eau complètement à sec ou très fortement impactés par la sécheresse, nos décideurs devraient se poser réellement les vraies questions. Quant à nous, pauvres pêcheurs, il ne nous reste plus qu’à nous apitoyer devant la mort programmée de ces milieux aquatiques sauvages qui nous ont tant fait rêver et qui ne seront bientôt que des déserts minéraux stériles.

Hervé THOMAS

 

écrevisse
La faune aquatique subit de plein fouet le pénurie d’eau. Photo Marc THOMAS – Juillet 2019
A proximité de Marcillat en Combraille dans le département de l’Allier, la Tartasse, affluent du Cher a complètement disparu. Photo Marc THOMAS – Juillet 2019
Un affluent de l’Allier, la Morge.  Photo Juillet 2019 – Sylvie LEVADOUX
La Morge à sec. Juillet 2019 – Photo Sylvie LEVADOUX

 

Alagnon
L’Alagnon, l’un des principaux affluents de l’Allier et zone de frayères pour le saumon Atlantique. Photo prise en juillet 2018 par Bruno COSARD.

Merci à Sylvie, Bruno et Marc pour leurs photos

ainsi qu’à ceux d’entre-vous qui partagerons cet article.

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