Y a-t-il assez de saumons pour tout le monde ?

C’est tout de même incroyable, en ce moment, il suffit que je visionne un peu l’actualité sur les réseaux sociaux pour découvrir un article hallucinant à propos de la pêche de loisir.

Après Paris, mon attention se porte vers l’Adour à la suite d’un article de France 3 nouvelle Aquitaine et dont la question principale est : Y a-t-il assez de saumons pour tout le monde ?

Avant même d’en débattre, ma réponse est non !

Pas besoin d’être un scientifique pour constater la diminution monstrueuse des populations de saumon Atlantique sur l’Adour et les gaves en quelques décennies. Il suffi de regarder les archives ou les livres qui traitent de l’histoire de la pêche sportive dans les gaves pour se rendre compte qu’en un demi-siècle, les stocks ont littéralement fondu. Non seulement le nombre de saumons franchissant l’estuaire de l’Adour est extrêmement réduit mais la taille moyenne des poissons à elle aussi très fortement diminué. Les grands saumons d’hiver de plus de 15 kilos arrivant dans le gave d’Oloron et que les premiers pêcheurs à la ligne, à la fin des années 40, laissaient passer à cause de l’absence de matériel suffisamment solide pour les capturer, ont disparu.

Aujourd’hui, la population est estimée à 5 à 10 000 individus précise l’article. Ceci concernerait les saumons comptabilisés dans le gave de Pau et celui d’Oloron qui est, d’après les études récentes d’otolithes*, le plus productif en matière de reproduction.

Cette estimation me semble déjà très vague. Entre 5 et 10 000, ce n’est tout de même pas la même chose, surtout si l’on tient compte des captures effectuées par les pêcheurs aux filets et les pêcheurs à la ligne. Les pêcheurs de l’estuaire affirment prélever 700 à 1200 saumons* par saison. Le nombre de saumons pris par les pêcheurs à la ligne étant lui bien plus précis puisqu’il est comptabilisé par l’intermédiaire de bagues individuelles. A cela se rajoute également le braconnage sur l’Adour et les gaves.

Au final, si l’on prend en compte l’estimation basse tout en cumulant l’ensemble des prises réalisées, on peut donc considérer que dans une grande année, il se capture presque la moitié du stock.

Une pêche responsable ? Permettez-moi d’en douter.

Je crois qu’aujourd’hui la question à se poser au lieu de savoir s’il va y avoir assez de saumons pour tout le monde serait plutôt du genre :

veux-t-on sauver le saumon Atlantique de l’Adour ?

Les stocks atteignent aujourd’hui un niveau critique et il est vraiment temps de réagir.

Malgré des grincements de dents, les pêcheurs à la ligne ont déjà démontré qu’ils étaient, pour une partie d’entre eux, favorables à la réduction du nombre de captures par an et par personne. Mesure qui a déjà été mise en place par la Fédération de pêche des Pyrénées Atlantiques cette année avec la réduction des bagues individuelles passant du nombre de quatre à trois.

Les mentalités évoluent également et le bon sens fait comprendre à de nombreux pêcheurs à la ligne qu’il est temps de modifier leur comportement pour faire perdurer leur plaisir de pêcher et sauvegarder le saumon. Les pratiquants sont de plus en plus nombreux à gracier leur captures. Ce n’est qu’anodin pour le moment mais compte-tenu du nombre de poissons qui arrivent actuellement sur les frayères, ces saumons remis à l’eau dans de bonnes conditions comptent pour beaucoup.

Contrairement à ce que peut faire croire l’article, il n’est donc pas question de diaboliser la pêche au filet mais de faire comprendre à tous les acteurs que la ressource est en péril. Pas question non plus de guerre entre pêcheurs basques et béarnais d’autant plus que les pêcheurs à la ligne recherchant le saumon en Béarn viennent de la France entière et même de plusieurs pays européens. C’est je crois, l’attitude des pêcheurs au filets, refusant le dialogue qui a contraint certains pêcheurs à la ligne, regroupés en associations et soutenus par des élus, à entamer une action en justice. A vouloir trop, on fini parfois par tout perdre …

En poursuivant la lecture de cet article, j’avoue que j’ai un peu de mal avec le constat du scientifique, soi-disant spécialiste du dossier qui met en cause les naissances trop rares en prétextant une mauvaise circulation des poissons et un accès difficile aux zones de frayères.

Ce que je constate, c’est que de très nombreux ouvrages ont été aménagés, améliorés ces dernières années pour permettre la libre circulation des espèces piscicoles migratrices sur les gaves. Plus de 50 millions d’euros investis et pourtant, le nombre de saumons adultes recensés sur les frayères n’a toujours pas augmenté. Par contre, je veux bien croire que si la gestion des stocks venait à être réfléchie d’un commun accord entre tous les acteurs, il est certain que ces améliorations auraient un effet très important sur le nombre de poissons pouvant accéder aux frayères et aptes à perpétuer plus efficacement l’espèce.

Mais si trois poissons qui se battent en duel dans la rivière ont un accès royal aux frayères, il n’y aura pas pour autant 100 000 alevins à l’issue de la ponte et de l’éclosion. Si la raréfaction des naissances est étroitement liée au nombre de poissons présents sur les frayères. Je crois donc  qu’actuellement, c’est surtout la pression des différentes formes de pêche qui a un impact direct sur le nombre de saumons arrivant sur leur lieux de ponte et par conséquence, la raréfaction des naissances.

Ce que j’espère maintenant, c’est que les 17 marins-pêcheurs et la trentaine de pêcheurs fluviaux qui exercent à proximité de l’embouchure de l’Adour ou sur son cours comprennent que s’ils veulent réellement défendre une pratique de leur métier qui les passionne, il est temps pour eux de réaliser que s’ils ne font pas plus de concessions, il ne passera pas une décennie avant qu’ils regardent leurs filets sécher au soleil tout au long de l’année à cause de la disparition du merveilleux Salmo salar.

Protéger et réduire les quotas, c’est investir pour l’avenir.

Un précepte également valable pour les pêcheurs à la ligne..

Hervé THOMAS

PS: A ce jour, la France est le seul pays d’Europe où la pêche au filet en estuaire se pratique encore…


Merci pour vos précieux partages et n’hésitez pas à signer la pétition ci-dessous. Jamais à ce jour, les pêcheurs de loisir n’ont eu besoin d’être aussi solidaires…

SAUVER LE SAUMON

 


http://peche-nouvelleaquitaine.com/port-bayonne.php

  • Pour l’année 2004, la production des pêcheurs estuariens de l’Adour est estimée à 46,4 tonnes d’une valeur de près de 950 milliers d’euros. En poids, les principales espèces débarquées sont l’alose, la lamproie marine et le saumon. En valeur, les principales espèces débarquées sont l’anguille au stade civelle, le saumon et la lamproie marine.

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