Pêche de l’ombre dans les rivières en crue

Pêche de l’ombre dans les rivières en crue

Il n’est pas toujours évident d’aller au bord de l’eau et d’y trouver des conditions qui paraissent idéales pour pratiquer la pêche de l’ombre à l’aide de mouches sèches ou en utilisant des nymphes. Quand bien même, ces instants semblent parfaits pour espérer réaliser une excellente partie de pêche, il arrive parfois que le résultat soit désastreux. Au contraire, certaines journées, à première vue peu favorables, peuvent s’avérer excellentes. C’est parfois le cas des rivières en crue ou au débit fortement gonflé.

De nombreux pêcheurs à la mouche pensent qu’il faut absolument que les eaux de la rivière soient claires et bases lorsque qu’ils cherchent à surprendre les ombres communs. L’idée d’employer des techniques « mouche » en présence d’eaux piquées n’est pas envisagée, voir repoussée à grands cris par certains qui jurent presque au sacrilège. La majorité pense tout simplement que c’est perdre son temps d’utiliser une artificielle dans ces conditions. Et pourtant !

Les apparences sont parfois trompeuses

Au premier abord, du haut du pont, à la vue d’une rivière en crue ou forte, seul les plus téméraires ou quelques pratiquants expérimentés vont persévérer. Le pêcheur non confirmé peu habitué au « terrain », risque bien de déchanter rapidement à l’approche des berges s’il s’est tout de même décidé à tenter sa chance. Mais un débit d’eau important peut faire reculer rapidement. Il faut bien reconnaître que le bruit des eaux vives, la vitesse et la force du courant cumulés au manque de stabilité sur les gravières ou sur les gros blocs rocheux ne sont pas forcément faits pour encourager les vocations.

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Il est bien évident que dans de telles conditions, la pêche sera impossible voir dangereuse. Une seule chose à faire : prier pour que les poissons puissent survivre à la fureur des eaux.

Une fois au bord de l’eau, la difficulté majeure sera de se rendre sur les bons postes de pêche en essayant de se placer dans une bonne position pour lancer. De plus, dans ce genre de situation où la rivière va être forte ou en crue, les bons secteurs ne seront pas légions.

riviere forte

Changement de place

Lors des changements de débit d’un cours d’eau, petits ou gros, les poissons ne restent pas forcément sur leur poste. Si la montée des eaux n’est pas très importante, ils vont se décaler de quelques centimètres où parfois ne pas bouger de place. Par contre, lorsque le débit de la rivière augmente fortement, ils désertent leurs postes habituels car le courant devient trop considérable à cet endroit. Les ombres quittent alors la proximité immédiate des grandes veines d’eau centrales pour se réfugier près des berges où la pression de l’eau est moins importante. Il n’est pas rare, dans de telles conditions, de rencontrer une forte concentration de poissons sur un espace relativement restreint. Dans le cas de très fortes montées d’eau, tous les ombres présents sur un pool peuvent être regroupés sur deux ou trois mètres afin de se protéger de la fureur aquatique qui submerge une grande partie de la rivière. Cette augmentation importante du débit est donc avantageuse pour le pêcheur qui doit essayer d’en profiter. Pas besoin de peigner avec méthode toutes les zones de la rivière comme on pourrait parfois le faire par eaux basses. Seuls, quelques mètres carrés peuvent être vraiment intéressants.

les meilleurs postes

Les zones de contre-courants abritées par les gros obstacles faisant face au courant principal sont nettement plus fréquentées qu’en temps normal. Les gros ombres donnent l’air de planer au milieu des gros remous provoqués par énorme obstacle à l’avant d’un grand trou. Par contre, les radiers et les grandes plages de sable où l’on rencontre habituellement quelques ombres vont être désertées. Ici, la puissance du courant est trop grande et ne permet pas aux poissons de se maintenir sur leur poste. Toutefois, il n’est pas rare de trouver un poisson en train de s’alimenter à priori en plein centre de la veine d’eau alors que le niveau d’eau est particulièrement important par rapport à l’écoulement habituel. Posté à proximité immédiate du fond derrière une roche ou un obstacle qui dévie le courant vers le haut, un ombre peut se tenir au milieu de la veine d’eau sans avoir à effectuer d’effort particulier et soutenu pour demeurer sur ce poste. Il lui suffit simplement d’effectuer une bascule arrière pour rejoindre la surface et se saisir sans effort de l’insecte qui dérive. Après avoir avalé sa proie, l’ombre regagne immédiatement son poste situé au milieu de la veine d’eau. Placé dans la zone de turbulence créée par l’obstacle situé devant lui, ce poisson n’aura pratiquement aucun effort pour se maintenir sur ce secteur. Pour quelqu’un qui ne connaît pas les habitudes des poissons de rivière, il est très facile de croire que cet ombre fourni des efforts considérables pour rester sur ce secteur où le courant semble particulièrement violent. En fait, il n’en est rien. Au milieu de cette fureur aquatique un déflecteur naturel dévie suffisamment l’eau pour créer une poche relativement calme dans laquelle se tient le poisson.


Sur ce type de poste et dans ces conditions d’eau, le plus difficile pour un pêcheur à la mouche va être d’effectuer une dérive sans dragage. Si en temps normal, avec un niveau d’eau moyen ce n’est déjà pas facile, ça l’est encore moins avec un débit d’eau supérieur à l’accoutumée. Afin de réduire au minimum ce risque, la pêche doit être pratiquée à l’aide de lancers plus courts. Inutile d’étaler une grande longueur de soie sur l’eau. La vitesse du courant supérieure à la normale va pousser la ligne trop rapidement vers l’aval et tracter le bas de ligne immédiatement après le poser sur l’eau provoquant ainsi le dragage instantané de la mouche.

Diverses conditions

La montée des eaux dans une rivière n’est pourtant pas toujours un signe favorable à la pratique de la pêche à la mouche. Il est bien évident que l’arrivée de l’eau de neige extrêmement froide et fortement chargée en gaz carbonique n’est pas des plus bénéfique à une bonne alimentation des poissons. C’est même pour moi, l’une des situations les plus néfastes qui puissent être envisagée. Par contre, une montée des eaux en période printanière ou estivale peut s’avérer être un excellent élément déclencheur d’activité chez certains habitants du cours d’eau. Cette variation de niveau dans la rivière influe sur le comportement des larves aquatiques qui perçoivent rapidement le changement de débit. Cette subite modification du régime de l’écoulement aquatique provoque parfois la migration de nymphes en direction de la surface. C’est ainsi que l’on peut parfois rencontrer de très belles émergences dans des eaux hautes et piquées d’une rivière après une longue période sans pluie sur son bassin versant.

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Des eaux légèrement piquées peuvent s’avérer excellentes pour la pêche.

Cette augmentation importante du débit du cours d’eau va également inciter les poissons à s’activer un peu plus à cause de la dérive catastrophique des larves aquatiques. En effet, la puissance inhabituelle de l’eau va arracher des sédiments et de nombreux invertébrés du substrat où ils vivent. Entraînés par le courant, ces derniers vont lutter pour regagner le fond de la rivière le plus vite possible car en pleine eau, ils sont à la merci des poissons. Les larves nageuses vont pouvoir se mettre rapidement à l’abri parmi les éléments qui constituent le fond de la rivière grâce à leurs aptitudes natatoires de premier ordre. D’autres insectes comme les larves de trichoptères vont avoir beaucoup plus de mal à s’accrocher au substrat. Pendant toute leur dérive, elles s’agitent violemment ce qui en fait des proies très facilement repérables par les poissons malgré la teinte colorée des eaux de crue. Une chose à prendre en compte lors du choix de vos artificielles.

Si le débit important gêne énormément le pêcheur dans le cadre des posers et de la dérive correcte de sa ligne, il peut aussi l’avantager. Cela, grâce à la transparence de l’eau qui diminue sous l’effet du transport de sédiments arrachés aux berges ou au substrat, ce qui permet au pêcheur de se rapprocher un peu plus près du poste sans être démasqué. D’autre part, l’afflux supplémentaire d’eau semble mettre un peu plus en confiance ou en appétit les poissons (certainement en partie à cause de la dérive catastrophique dont j’ai parlé précédemment).

L’avantage le plus important procuré par la montée du cours d’eau est la réduction du nombre de postes.  Certes, il faudra marcher un peu plus pour atteindre les bonnes zones mais la taille et le nombre de zones à prospecter seront très réduits.

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Une eau trop boueuse laisse peu de chance au pêcheur et peut s’avérer néfaste pour les poissons.

Bien souvent les eaux fortes se cumulent avec la pluie. En cours de pêche, ces gouttes d’eau qui tombent du ciel sont une gêne supplémentaire pour le pêcheur. Elles contribuent à faire couler un peu plus la mouche pendant les dérives si l’on pêche en surface. C’est également un inconvénient pour la glisse de la soie dans les anneaux de la canne ou pour ceux qui portent des lunettes.
Dans ces conditions d’eaux fortes, il n’est pas indispensable de finasser. Pas besoin de pêcher fin où d’employer des mouches minuscules. Le plus important pour le pêcheur sera de bien repérer son artificielle au milieu des courants vifs. L’utilisation d’une imitation assez grosse permettra également aux poissons de la voir de loin au milieu de ces eaux tumultueuses et teintées. Dans la plupart des situations, un montage parachute fera parfaitement l’affaire. Les excellentes propriétés de flottaison et de visibilité de cette artificielle conviennent bien à ces conditions si particulières de pêche où la rusticité du modèle primera sur la finesse de son montage.
Généralement, lorsque la pluie est trop importante, les poissons qui gobent cessent leur activité en surface. Mais, entre les averses, les gobages peuvent reprendre très rapidement puis stopper aussi vite si une nouvelle ondée fait son apparition. Certaines journées sont ainsi rythmées par ces phénomènes climatiques irréguliers et difficilement prévisibles. Le pêcheur devra constamment s’adapter à la situation en cours et à l’évolution de la météo sur son secteur.

Les variations de niveaux

Lorsque je rencontre de telles conditions au bord de l’eau et si je dois rester sur la même zone toute la journée, j’ai l’habitude de prendre un repère me permettant d’avoir une idée relativement précise de l’évolution du débit de la rivière où je me trouve. Il est en effet intéressant de savoir si le cours d’eau monte, descend ou s’il reste au même niveau. J’ai remarqué que l’on pouvait faire d’excellentes parties de pêche pendant la décrue. Même si la rivière ne retrouvait pas son niveau normal ni sa clarté habituelle, le fait que l’eau baisse très légèrement suffit parfois à déclencher une belle émergence. Deux galets superposés sur une berge où le courant n’a pas d’effet feront parfaitement l’affaire.

Sous les averse de neige

Lors des semaines qui suivent l’ouverture, il n’est pas rare dans certaines régions d’être confronté à la neige. Pour les pêcheurs bien équipés du point de vue vestimentaire, ce n’est pas un problème, bien au contraire. J’ai eu personnellement la chance de réaliser quelques parties de pêche en sèche mémorables par temps neigeux. Certaines variétés d’éphémères semblent particulièrement apprécier la présence des flocons qui tombent sur la rivière. Contrairement à ce que disent quelques pêcheurs ayant déjà été confrontés à ce genre de situation, ombres et truites ne gobent pas les flocons mais bel et bien les insectes qui émergent entre ces chutes de neige. Il faut dire que ce genre de précipitations atmosphériques est souvent accompagné d’une douceur relative de l’air ambiant. Condition propice aux émergences d’invertébrés aquatiques.

Malgré le débit énorme du cours d’eau, la présence de martinets ou d’hirondelles trahi une émergence conséquente.

Même si cela n’a pas le charme d’une rivière cristalline, la pêche en sèche ou en nymphe dans les conditions aussi difficiles peut procurer d’énormes sensations. Certains beaux ombres se transformant en petites torpilles sous l’effet puissant des courants et il vaudra mieux être prêt pour parer un départ précipité vers l’aval. Mais au final, quelle récompense, dans de telles conditions, d’amener à portée de la main un si joli cadeau de Dame nature.

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