En harmonie avec l’émergence
En harmonie avec l’émergence
Alors que le soleil commence à se rapprocher du zénith, les prémices des premières émergences du mois de mars se font sentir. Au dessus des eaux vives, ça et là, quelques subimagos d’éphémères tentent de regagner les frondaisons pour s’y abriter. Les conditions météo ne semblent pas vouloir changer. Il fait beau et il n’y a pas trop de vent. Sur les radiers, les premiers gobages apparaissent. Ce sont généralement des truitelles pas plus grosses qu’un doigt. C’est tout de même bon signe, des poissons sont actifs. Si l’eau est encore relativement froide, l’air est tiède en cette fin de matinée de printemps. Encore une bonne raison de penser que l’activité va sans doute augmenter rapidement. Les petits baetidés sont de plus en plus nombreux à émerger et plus particulièrement Baetis rhodani. Les beaux poissons n’ont pas l’air présents en surface. Ceci ne veut pas dire qu’ils ne sont pas actifs. Ils doivent sûrement profiter de cette émergence providentielle pour se saisir des premières nymphes qui tentent de se libérer du film liquide en dérivant.
Vite, pas de temps à perdre, il faut monter une petite imitation d’olive claire sur la pointe du bas de ligne. Je suis un pêcheur comblé, j’ai le choix, j’ai de nombreux modèles de tous types et en plusieurs tailles. Mais que vais-je mettre au bout de ma ligne, nymphe, émergente ou sèche, spent ?
C’est souvent à cet instant que le résultat de la partie de pêche se décide. Le choix de l’imitation va encore faire la différence. Faut-il faire le bon !
Mis à part l’exception qui confirme la règle, une émergence de début de saison n’est pas massive et instantanée. Une période préparatoire plus ou moins longue précède le gros de l’émergence. Dès l’aube, si les conditions sont favorables, des insectes vont quitter l’eau à intervalles plus ou moins réguliers. Il y a peu de mouches en l’air, mais de temps en temps, il est possible d’en apercevoir une ou deux dérivant tels de petits voiliers à la surface du cours d’eau ou survoler la rivière (fig 1).
Au fil de la journée et plus particulièrement en fin de matinée ou en début d’après-midi, avec une atmosphère qui se réchauffe, le nombre d’insectes émergents augmente très sensiblement. Vient ensuite un pic d’activité, qui peut durer un instant, plusieurs minutes ou quelques heures selon les conditions météos. Parfois et d’un seul coup, plus d’insectes. L’activité de surface cesse brutalement puis reprend aussi vite avec la dérive de nouveaux individus.
En fin de journée, la chute encore brutale du soleil fait baisser la température extérieure rapidement et la rivière retrouve très vite son calme.
Si les premiers insectes qui émergent ne semblent pas mettre en mouvement les belles truites, les émergences plus régulières vont très vite déclencher l’activité alimentaire de ces poissons. A cet instant, la pêche en nymphe est toujours la plus rentable. Si par chance, des truites un peu plus grosses sont déjà actives en surface, le choix de la pêche avec une émergente ou d’une mouche sèche sera bien plus judicieux. Là encore, le moucheur doit observer avec attention la surface afin de définir avec précision le modèle le plus adapté aux conditions de pêche. Si l’émergence en cours n’est pas encore à son apogée, il y a de fortes chances qu’il n’y ai peu d’insectes ailés sur l’eau. La plupart des mouches étant encore au stade émergent (fig 2).
Seuls, quelques rares adultes dérivent dans les courants dans leur position typique de petit voilier. Si l’émergence persiste, les adultes vont finir par être les plus nombreux en surface. Alors que les premiers s’affairent déjà à la reproduction dans leur ballet aérien traditionnel, la plupart des éphémères fraîchement ailés dérivent encore sur l’eau en tentant de sécher leurs ailes délicates. C’est le meilleur moment pour pêcher avec une mouche sèche (fig 3).
Au plus fort de l’émergence, l’eau est couverte d’insectes qui viennent juste de sortir de l’eau. Cette effervescence des subimagos semble réveiller les imagos sortis la veille ou le jour précédent. Les nombreux adultes ayant passé la nuit et une partie de la journée précédente dans la végétation rivulaire se mélangent aux nouveaux venus. C’est à prendre en compte car en fin de journée, les imagos pourront être plus nombreux sur l’eau que les subimagos.
Plus la journée avance, plus les spents vont être nombreux couvrir la surface de l’eau. Évidemment, si le pêcheur possède une imitation de l’insecte à ce stade, ce sera le bon moment pour tester son efficacité (fig 4).
Dans la même journée, lors de chacune des étapes de l’émergence, le moucheur devra donc changer son imitation afin qu’elle colle parfaitement avec le stade actuel le plus représenté lors de l’émergence en cours. En adaptant son imitation au stage d’évolution le plus présent sur l’eau, le pêcheur aura bien plus de chances de réussir.
Certains vont me dire qu’il se souviennent avoir capturé des poissons en sèche alors qu’il n’y avait pas de gobages. D’autres vont souligner que l’on peut prendre des truites en nymphe en plein milieu d’une émergence bien avancée. Évidemment, tout est possible, en particulier à la pêche. Je crois quant à moi que si la pêche à la mouche est loin d’être une science exacte, il faut mieux respecter certaines règles de base si l’on veut vraiment faire la différence.
Un des buts de ce jeu n’est-il pas d’être en parfaite harmonie avec la nature ?
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